Originaire du Soudan du Sud, Ken Garang est le Coordinateur terrain de Première Urgence Internationale à Maiduguri, au Nigeria. Un exemple de résilience, il partage ses conseils sur la façon dont il a gravi les échelons et fait la différence sur le terrain au cours des six dernières années, et d’autres à venir.

Je sais que vous avez un emploi du temps très chargé en tant que Coordinateur de terrain pour Maiduguri et Pulka. Peut-être pouvez-vous commencer par vous présenter ?

Merci beaucoup. C’est ma sixième année avec Première Urgence Internationale, trois ans en tant que personnel national et deux ans et demi en tant qu’expatrié. J’ai été recruté en tant que chef d’équipe médicale sur la mission au Soudan du Sud, en appui à un important centre de santé publique, supervisant 100 personnes. Cette année-là, tout était élevé : taux de mortalité élevé, taux d’admission élevé, alors que le centre était le seul de tout le comté. Cela m’a mis à rude épreuve. Nous nous sommes battus pour sauver des vies. J’ai ensuite occupé plusieurs autres postes, avant de devenir responsable de programme vers la fermeture de la mission, qui a été une période difficile. Il n’est pas facile de se séparer de beaucoup de personnel et de décevoir les autorités, mais nous ne pouvions plus travailler dans de bonnes conditions. C’est l’expérience la plus difficile que je n’aie jamais eue à vivre. La leçon que j’en ai tirée est que l’acceptation est la clé de l’accès. Ne vous limitez pas aux activités mais ayez une bonne compréhension du contexte. Vous serez en mesure d’obtenir suffisamment de soutien, tant de la part des communautés locales que vous servez, que du soutien extérieur que vous pouvez obtenir.

Comment avez-vous fait pour en arriver là ?

Ma philosophie est : «Mettez-vous à la place de votre superviseur » . Vous pourriez ainsi avoir le privilège de travailler avec du personnel international, de faire plus d’efforts, d’être ouvert, de vous exposer à de nouvelles méthodes de travail. Il est donc bon de s’assurer qu’en tant qu’individu, vous changez votre état d’esprit, que vous soyez flexible et que vous vous adaptiez à un environnement changeant. Être en première ligne signifie faire des sacrifices. Lorsque la mission au Soudan du Sud a été fermée, j’ai postulé à l’expatriation. J’ai suivi un long processus et je suis aujourd’hui très heureux de participer à ma première mission expatriée pour Première Urgence Internationale au Nigeria. Pour moi, c’était unique, car j’ai commencé à travailler… à distance ! C’était en 2020, pendant le confinement de COVID-19 donc la première difficulté a été de travailler pour la première fois en tant qu’expatrié, mais depuis chez moi. C’était un défi de travailler avec des gens que vous ne connaissez pas, sur un établissement de santé où vous ne pouvez pas vous rendre, avec du personnel que vous ne pouvez pas rencontrer… Cela montre à quel point la communication est importante. Lorsque j’ai pu me rendre à Monguno, il y avait bien sûr des problèmes de sécurité, qui étaient supportables pour moi car le contexte n’est pas très différent de celui de mon pays. Le fait d’être présent m’a permis d’avoir une bonne connexion avec la communauté. J’avais également une équipe très engagée. Nous avons fait beaucoup, nous avons mis en œuvre de nombreuses choses, nous avons pris beaucoup d’initiatives. Tout n’a pas été agréable. Une fois, il y a eu une attaque dans une ville voisine, Dikwa, et il n’y avait pas d’avions. Première Urgence Internationale avait beaucoup de personnel relocalisé qui n’était pas de là-bas à l’origine, il fallait donc les évacuer, tout en assurant les activités en même temps. Ce n’était pas facile, mais heureusement la situation s’est calmée et nous n’avons pas eu à évacuer. J’ai beaucoup appris de cette expérience difficile.

Vous êtes ensuite devenu le coordinateur de terrain pour Maiduguri. Qu’est-ce qui vous motive dans ce rôle ?

Je suis d’abord devenu Coordinateur de terrain adjoint pour les programmes de Maiduguri, mais comme il n’y avait pas de coordinateur de terrain, j’étais également coordinateur de terrain par intérim pour la base de Maiduguri, et également responsable par intérim du programme de santé et de nutrition pour Monguno, car le recrutement était toujours en cours. J’ai beaucoup appris, grâce aussi au Chef de mission, à l’équipe de coordination, et bien sûr à la base aussi, avec qui nous travaillons en équipe. La principale leçon est de ne jamais être seul, vous pouvez toujours compter sur votre équipe pour vous soutenir. Pour l’instant, je pense que j’ai encore beaucoup à apprendre dans ce poste avant de passer à autre chose. Je suis très heureux du privilège qui m’a été donné de travailler pour Première Urgence Internationale. J’ai grandi, personnellement, j’ai acquis non seulement des compétences mais aussi des qualités personnelles, ou ‘soft skills’. J’ai également pu construire ma carrière académique grâce à cette organisation, car j’ai pu obtenir mon diplôme de bachelor l’année dernière !

Notre objectif est de servir les bénéficiaires, nous servons les communautés. Ce qui me motive, c’est la motivation et la passion que j’ai pour mon travail. Un de mes principes est que rien n’est impossible. Je dis toujours que si vous parvenez à faire quelque chose, faites-le à la perfection. Mais si vous n’y arrivez pas, ne vous inquiétez pas. Parce que si vous continuez à vous inquiéter, vous ne pourrez rien faire. Je ressens le besoin de mettre un visage souriant sur le visage de chacun, car lorsque vous souriez, l’autre personne sourit. Et puis bien sûr, en tant qu’humanitaires, nous travaillons dans des environnements difficiles, alors n’augmentez pas la frustration déjà suffisante.