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Publié le 12/03/2024
À Gaza, les largages aériens et les routes maritimes ne peuvent être une alternative à l’acheminement d’aide humanitaire par voie terrestre
Alors que les décès liés à la malnutrition et les maladies augmentent, 25 ONG appellent les gouvernements à exiger en priorité un cessez-le-feu et un acheminement de l’aide humanitaire par voie terrestre.
Les associations de droits humains et organisations humanitaires présentes dans la bande de Gaza n’ont cessé de répéter depuis le début de l’escalade des hostilités que la seule manière de répondre aux besoins humanitaires sans précédent dans l’enclave est d’obtenir un cessez-le-feu immédiat et permanent et un accès complet et sans entrave pour l’aide humanitaire par tous les points de passage terrestres. Les États ne peuvent se cacher derrière les largages aériens et un corridor maritime pour créer l’illusion qu’ils répondent adéquatement aux besoins à Gaza. Leur principale responsabilité est d’empêcher la perpétration de crimes atroces et d’exercer une pression politique efficace afin de mettre un terme aux bombardements incessants et aux restrictions qui empêchent l’acheminement sécurisé d’aide humanitaire.
Depuis des mois, toute personne dans la bande de Gaza fait face à un niveau d’insécurité alimentaire critique : la proportion de la population en situation de crise alimentaire est la plus grande jamais enregistrée sur l’échelle IPC, le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire. Cela fait des mois que des familles boivent de l’eau insalubre et passent des jours sans manger. Le système de santé s’est complètement effondré en plein pic d’épidémies et de blessures graves dues aux bombardements incessants. Récemment, au moins vingt enfants sont morts de malnutrition aigüe, de déshydratation et de maladies connexes. Alors que la situation alimentaire et sanitaire se dégrade de plus en plus chaque jour, le nombre de personnes mourant de faim et de maladie ne va faire qu’augmenter si l’accès humanitaire continue d’être bloqué par les autorités israéliennes. L’ONU a alerté sur le fait que la population est au bord de la famine.
Alors que les États ont récemment intensifié les largages aériens d’aide à Gaza, les professionnels humanitaires soulignent que cette méthode d’acheminement à elle seule n’est en aucun cas en mesure de répondre aux immenses besoins dans l’enclave. 2,3 millions de personnes survivant dans des conditions désastreuses ne peuvent être nourries et soignées par des largages aériens.
Les largages aériens ne peuvent fournir les mêmes volumes d’aide humanitaire que le transport par voie terrestre. Alors qu’un convoi de cinq camions peut transporter environ 100 tonnes de nourriture et de matériel indispensable à la survie des populations, les derniers largages aériens n’ont pu livrer que quelques tonnes chacun. Les largages aériens sont également susceptibles d’être extrêmement dangereux pour les vies des civils en quête d’aide : à Gaza, au moins cinq personnes ont été tuées par des colis d’aide humanitaire en chute libre. L’assistance humanitaire ne peut pas être improvisée : elle doit être délivrée par des équipes professionnelles, dotées d’une expertise en matière d’organisation des distributions et de services de soins vitaux. La délivrance de l’aide doit avoir un visage humain ; non seulement pour être capable d’évaluer correctement les besoins de la population touchée, mais également pour redonner espoir et dignité à une population traumatisée et désespérée. Après avoir enduré cinq mois de bombardements incessants dans des conditions de vie déshumanisantes, les enfants, les femmes et les hommes de Gaza ont droit à d’avantage qu’une charité insuffisante jetée depuis le ciel. Bien que toute aide humanitaire arrivant à Gaza soit la bienvenue, les voies aérienne et maritime doivent être considérées comme un complément au transport terrestre, et ne peuvent en aucun cas remplacer l’aide délivrée par les routes terrestres.
Il est important de souligner que certains des États qui ont mené des opérations de largage d’aide fournissent aussi des armes aux autorités israéliennes, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. Les États ne doivent pas exploiter l’aide humanitaire pour contourner leurs responsabilités et obligations en vertu du droit international ; y compris la prévention de crimes atroces. Pour que les États remplissent leurs obligations prévues par le droit international, ils doivent cesser tout transfert d’armes risquant d’être utilisé pour commettre des crimes internationaux. Ils doivent également mettre en place des mesures sérieuses afin d’imposer un cessez-le-feu immédiat, garantir un accès humanitaire sans entrave et tenir les coupables pour responsable.
Des États tiers ont récemment annoncé des efforts pour ouvrir un corridor maritime à partir de Chypre, dont la création d’un port flottant sur la rive de Gaza qui ne sera pas opérationnel avant plusieurs semaines. Des familles entières meurent de faim et ne peuvent pas attendre la construction d’infrastructures côtières : pour sauver leurs vies, les camions remplis de nourriture et de médicaments, actuellement interdits de pénétrer dans Gaza, doivent être autorisés à rentrer sur le territoire immédiatement. En outre, les envois depuis Chypre vers les points de distribution autour de Gaza seront confrontés aux mêmes obstacles que rencontrent actuellement les convois d’aide en provenance de Rafah : une insécurité persistante, un taux élevé de refus d’accès par les forces israéliennes et des temps d’attente excessifs aux postes de contrôle israéliens. Par conséquent, sa création n’aura aucun effet réel sur la situation humanitaire catastrophique, à moins qu’elle n’aille de pair avec un cessez-le-feu immédiat et un plein accès sans entrave à toutes les zones de la bande de Gaza. Le manque de transparence quant à l’entité qui sera responsable de l’infrastructure et de la sécurité de l’acheminement de l’aide à terre suscite également des inquiétudes : les États doivent veiller à ce que le corridor maritime ne légitime pas une occupation militaire terrestre israélienne prolongée de la bande de Gaza instrumentalisant l’acheminement de l’aide.
Au cœur de ce contexte dramatique, nous reconnaissons que toute aide est nécessaire mais nous alarmons sur les conséquences potentiellement dévastatrices de la création d’un dangereux précédent conduisant à la dégradation de l’accès humanitaire terrestre et à la poursuite des hostilités. La réponse humanitaire appropriée aux immenses besoins à Gaza est celle d’un accès sans entrave pour le personnel et l’aide humanitaire prépositionnés depuis des mois du côté égyptien de la frontière. Jusqu’à présent, les autorités israéliennes sont les seules à décider si 2,3 millions de personnes à Gaza peuvent manger, être soignées et avoir un toit au-dessus de leur tête : cette situation ne peut demeurer incontestée. Les organisations humanitaires ont la capacité logistique d’aider les Palestiniens à Gaza : il ne manque que la volonté politique des États pour faire respecter l’accès.
Les organisations humanitaires attendent des États tiers qu’ils utilisent d’urgence leur influence pour obtenir un cessez-le-feu immédiat et obliger les autorités israéliennes à mettre fin à leur blocus délibéré de l’aide humanitaire dans toutes les zones de la bande de Gaza, notamment par l’ouverture totale et la levée des restrictions aux points de passage de Rafah, Kerem Shalom / Karam Abu Salem, Erez / Beit Hanoun et Karni. Nous rappelons que seul un cessez-le-feu immédiat et permanent pourra permettre l’augmentation colossale du flux d’aide humanitaire nécessaire afin de soulager la souffrance de 2,3 millions de personnes dans la bande de Gaza.