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Liban : Conférence sur les défis de la santé publique

Première Urgence Internationale a eu le plaisir d’organiser une conférence sur la santé publique au Liban, un moment d’échanges précieux pour appréhender les défis majeurs auxquels le pays fait face.

Publié le 24/02/2025 | Temps de lecture : 5 min

Dans le cadre du projet SAQIRH, une table-ronde a réuni trois experts – Pierre Micheletti, Ziad Majed et Kevin Charbel – dont les analyses croisées ont offert un regard éclairant sur une situation en perpétuelle évolution. Instabilité institutionnelle, crise économique, dégradation du système de santé : autant d’enjeux cruciaux qui redéfinissent chaque jour l’accès aux soins et appellent à une réflexion collective sur l’avenir de la santé au Liban.

Financé par l’Agence Française de Développement (AFD) et porté par un consortium réunissant Première Urgence Internationale, Amel Association International et Médecins du Monde, ce programme vise à renforcer l’accès aux soins pour toutes les populations vulnérables et à améliorer la résilience du système de santé libanais.

Une maquette de la complexité du Proche-Orient

Pour Pierre Micheletti, médecin et humanitaire, ancien président de Médecins du Monde et d’Action Contre la Faim, le Liban illustre à lui seul les dynamiques complexes du Proche-Orient, où les crises politiques et économiques se répercutent directement sur le système de santé.

Si certaines maladies chroniques comme le diabète ou les maladies cardiovasculaires étaient déjà des priorités avant la crise, la fuite des professionnels de santé, et la détérioration des infrastructures et des mécanismes de santé publique ont aggravé une situation déjà fragile.

Pierre Micheletti a également partagé un modèle d’analyse des politiques de santé publique, mettant en avant l’importance d’un équilibre entre les besoins identifiés par les experts, les attentes de la population et les réponses des institutions. Or, au Liban, cette convergence est devenue quasi impossible en raison de l’instabilité et du manque de ressources.

La situation économique et sociale influence directement l’espérance de vie. En effet, l’accès aux soins peut être entravé par des obstacles structurels, d’ordre géographique, financier, culturel ou politique. Dans certaines zones, se rendre dans un centre médical peut être un danger en soi, en raison des conflits ou du manque de transports. Parallèlement, l’effondrement du système bancaire empêche de nombreux Libanais de payer leurs soins, faute de liquidités.

Le contexte politique : une crise chronique et un espoir fragile

Le politologue, professeur et chercheur franco-libanais Ziad Majed a dressé un état des lieux du paysage politique libanais, façonné par des décennies d’instabilité. Depuis son indépendance en 1943, le pays oscille entre crises profondes et espoirs de renouveau, pris dans les rouages d’un système politique confessionnel. À cette fragilité structurelle s’ajoutent les tensions régionales, qui influencent directement la situation intérieure, ainsi qu’une crise économique d’une ampleur inédite.

Malgré ce contexte difficile, le Professeur Majed note quelques signes encourageants : la formation d’un gouvernement jugé compétent et représentatif, l’absence d’un blocage institutionnel grâce à un équilibre des forces politiques, l’engagement des acteurs de la société civile, et la perspective d’élections municipales et parlementaires dans les prochaines années.

L’effondrement du système de santé libanais

Face à la réduction des financements internationaux et à la dégradation des infrastructures, le Liban peine à répondre aux besoins de sa population, déjà très affectée. Kevin Charbel, Chef de mission de Première Urgence Internationale au Liban, a souligné l’intensité du conflit, mettant en avant le nombre extrêmement élevé de frappes aériennes (14 000 entre septembre et décembre 2024), ainsi que les attaques visant les infrastructures civiles.

Pour les organisations humanitaires, s’adapter à une situation qui bascule brutalement de la paix à la guerre est un véritable défi, d’autant plus lorsque les centres de santé qu’elles soutiennent deviennent eux-mêmes des cibles.

La guerre a aggravé la crise, rendant la reconstruction des infrastructures sanitaires essentielle. Des risques sanitaires majeurs existent, liés à la destruction du système de santé, mais aussi à celle des réseaux d’eau et de transport. La reconstruction du système nécessite une réponse durable, dépassant l’urgence immédiate.

Dans ce contexte, des initiatives comme celles du projet SAQIRH sont essentielles pour maintenir l’accès aux soins pour les plus vulnérables, en renforçant des services de santé primaire, en garantissant des soins abordables, une qualité médicale accrue et une collaboration au niveau systémique avec le ministère de la Santé.

Entre défis et espoirs : quel avenir pour le Liban ?

Si les intervenants ont mis en lumière la complexité de l’interdépendance entre politique, économie et santé publique au Liban, ils ont aussi évoqué des signes d’espoir. Le Liban se trouve à la croisée des chemins : la résilience de la société civile, les projets solidaires et les efforts menés par des acteurs humanitaires internationaux et locaux montrent qu’il est possible de restaurer, progressivement, un système de soins fonctionnel et accessible.

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L’événement était accessible au public. Découvrez les échanges complets en vidéo.