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Publié le 22/06/2023
Ce numéro est un peu le reflet de notre démarche au sein du Comité de rédaction, à savoir « un pas de côté, et un pas d’avance ». On est parti du constat avec Pierre Gallien et Stéphanie Stern, les co-pilotes du dossier, que si la santé mentale est beaucoup évoquée, elle n’est pas si incarnée que cela dans les structures humanitaires. Pour détourner un vieux slogan : « la santé mentale est partout, et en même temps nulle part ». L’humanitaire s’est souvent focalisé sur le soin physique, le soin au corps meurtri et blessé, ce qui est normal mais disons que la santé mentale est venue plus tard et plus difficilement.
Ce numéro retrace la façon dont cette discipline a été introduite dans le secteur et ce qu’elle a généré comme questionnements au sein des organisations humanitaires. Je ne vais pas citer tous les articles, mais celui consacré aux débuts de la santé mentale à Médecins Sans Frontières (MSF) est assez emblématique.
Les premières interventions de prise en charge de ce type remontent au tremblement de terre qui dévasta l’Arménie en 1988. Ce qui est important de souligner c’est que ces activités ont été lancées un an après le séisme proprement dit, c’est-à-dire une fois que les corps ont été soignés. On ne parlait pas de « santé mentale » à l’époque on faisait de la « Psy ». On employait volontairement ce terme flou pour éviter de trancher sur certaines questions du type « psychiatrie versus psychologie ». L’article de Laure Wolmark est très intéressant à cet égard, il retrace ce cheminement au sein de MSF et les débats que cela a engendré en interne.
L’Organisation Mondiale de la Santé sort de son côté un premier rapport en 2001 pour insister sur l’importance de la santé mentale, puis un deuxième rapport vingt ans après, rappelant que les ONG ont certes fait des choses dans le domaine, mais qu’il faut sans doute davantage creuser la question.
Autre élément important : la pandémie de COVID-19. L’impact sur la santé mentale s’est ressenti de manière globale. Ce phénomène a traversé toutes les catégories sociales, toutes les cultures.
On peut aussi évoquer la question du changement climatique qui amène pas mal de réflexion sur l’éco-anxiété. C’est une réflexion très occidentale, mais qui renvoie en effet à cette idée que le changement climatique touche les pays du Sud comme du Nord. On sent bien ces dernières années que le sujet s’impose avec force dans l’Agenda humanitaire.
Ce numéro permet d’avoir l’épaisseur historique de l’évolution de cette prise en charge de la santé mentale, mais on va également plus loin en pointant les expériences qui n’ont pas marché ou qui doivent être révisées.
L’article de Camille Maubert et de Bénédiction Kimathe illustre un autre aspect intéressant observé en République démocratique du Congo. Bien qu’il y ait des institutions finançant des programmes de santé mentale, le fléchage de ces fonds vers les femmes et les enfants renforce la perception archétypale, quoique réelle, que les femmes sont souvent les victimes et les hommes les auteurs des exactions. De ce fait cette orientation ne permet pas de considérer un des angles morts de ces programmes, à savoir la santé mentale des hommes. Si on y ajoute « les normes de masculinité » au niveau des communautés et les obstacles matériels d’accès aux soins psychologiques des hommes, on s’aperçoit que ces derniers sont de facto exclus des parcours de soin.
J’aborderai un dernier aspect, à savoir la nécessité de rompre également avec une approche normative unique occidentale qui suppose l’application de certains critères. La santé mentale est aussi traitée grâce à des approches locales, plus traditionnelles et plus accessibles aux populations. Ces pratiques méritent également qu’on s’y intéresse. On ne fait pas uniquement de la santé mentale avec des médicaments, notamment dans des pays en crise où l’accès aux traitements est difficile sur le long terme.
Ce numéro comme tous les dossiers de la revue Alternatives Humanitaires ne prétend pas à l’exhaustivité à travers 6 ou 7 articles. Cependant il permet de déblayer le sujet et invite les lecteurs à élargir leur réflexion sur certains enjeux humanitaires.
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Première Urgence Internationale a également élargi depuis quelques années son champ d’action pour inclure des programmes de santé mentale et de soutien psychosocial dans la majorité de nos missions. Nos services, permis par l’intervention d’experts et de non-experts en santé mentale, s’adaptent au contexte de chaque mission, aux besoins des populations, à leur culture et normes sociales. Découvrez dans les articles ci-dessous la prise en charge de la santé mentale dans nos actions humanitaires.
Liban : parler de la santé mentale sans tabou
Ukraine : l’impact du conflit sur la santé mentale
France : la santé mentale au cœur des interventions de la mission
Témoignages de terrain : les bienfaits du soutien en santé mentale dans un camp irakien